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samedi 24 septembre 2011

L’espéranto belge : patat(e)


Uderzo et Goscinny nous ont menti. Non, les frites n’ont pas été inventées au temps des Romains dans un petit village belge par le chef Gueuselambix.  Cet épisode d’Astérix chez les Belges est historiquement impossible puisque la pomme de terre, originaire des Andes,  n’a été introduite en Europe qu’au XVIe siècle. Et quand on s’intéresse de près à la saga de la frite, on se rend compte qu’il n’est même pas sûr qu’il s’agisse d’une invention belge. Il se pourrait bien – oh horreur ! – que les frites soient nées en France, comme le croient en tout cas les Américains qui les appellent french fries. Quoi qu’il en soit, la pomme de terre n’a pas trainé à s’enraciner dans les mœurs des Belges, qui sont aujourd’hui devenus des champions en matière de rendement : en 2007, la Belgique caracolait en tête du classement mondial avec  47 tonnes produites par hectare. C’est qu’on en mange, des patates… Environ 90 kilos par personne chaque année. Les Flamands utilisent d’ailleurs une expression savoureuse pour désigner une manière de prendre une décision à la va-vite : tussen de soep en de patatten, « entre la soupe et les patates », comme si ces deux éléments figuraient obligatoirement à tous les menus. Patat, prononcé de la même manière qu’en français,  est un mot typiquement flamand (en néerlandais standard, on dit aardappelen, littéralement  « pommes de terre », quelle coïncidence) et outre « patate », il signifie également « frites ». Comme dans een zakje patat, « un sachet de frites », servi comme il se doit avec une bonne dose de mayo et une petite fourchette en plastique. 

Le Bonus flamand
Piet faisant la promo d'un de ses livres
En Flandre, on ne peut pas parler de cuisine sans penser à Piet Huysentruyt. Ce chef chauve au visage rondouillard, qui fut couronné par une étoile Michelin, est devenu une figure incontournable du PAF (paysage audiovisuel flamand) grâce à ses émissions culinaires diffusées sur la chaîne privée vtm : Lekker Thuis (plus de 1000 émissions) et SOS Piet. Dans cette dernière, il vient à domicile au secours de cuistots désespérés et leur refile de bons tuyaux qu’ils doivent répéter à la fin de l’émission.

dimanche 18 septembre 2011

Ros Beiaard/Le cheval Bayard

A Namur, une créature à laquelle s’agrippent quatre hommes surplombe le Pont des Ardennes. Son profil de bronze suggère un dragon voire un chien, mais c’est un cheval, le cheval Bayard. Les légendes médiévales racontent que Charlemagne céda cette monture dotée de pouvoirs magiques à Renaud de Mautauban, l’ainé des quatre fils Aymon, originaires des Ardennes. En ces temps réputés obscurs, il était courant, semble-t-il, de se pourfendre le crâne pour un oui pour un non. Suite à une partie d’échecs qui avait mal tourné, Renaud tua Berlotai, neveu de Charlemagne et Bayard aurait permit à Renaud, Alard, Richard et Guichard (essayez de répéter ces quatre noms plusieurs fois d’affilée pour voir) d’échapper à la colère du Grand Charles. Dans la fuite, les sabots de Bayard auraient même brisé le rocher qui porte aujourd’hui son nom à Dinant.
On trouve une statue étrangement similaire à celle de la capitale wallonne sur un rond-point de Dendermonde (Termonde), en Flandre-Orientale. Car ici Bayard, ou dans ce cas Ros Beiaard, est plus qu’une légende, c’est la vedette d’un cortège dont les origines remontent au Moyen Âge, inscrit depuis 2005 au patrimoine mondial par l’UNESCO. Tous les dix ans, porté avec ferveur par des groupes de Pijnders qui se relaient, un cheval de près de 5 mètres de haut et de 800 kilos transporte quatre frères de sang qui, entre autres strictes conditions, doivent être nés à Dendermonde. Le spectacle du cheval se cabrant face à la foule sur la grand-place, tandis que les tirs de fusils résonnent et que les fils Aymon lèvent leurs épées au ciel, provoque une liesse en bien des points semblable à celle que suscite le Doudou à Mons. 

Exercice comparatif entre
et

Le Bonus flamand
Autre ville, autre légende, qui remonterait à l’antiquité : il était une fois un terrible géant, répondant au doux nom de Druoon Antigoon, qui s'était installé au bord de l’Escaut. Cette créature monstrueuse réclamait un droit de passage à tous les bateaux qui voyageaient sur le fleuve et tranchait la main de ceux qui refusaient de payer. Jusqu’au jour où arriva Silvius Brabo, soldat romain, qui tua le géant, lui trancha la main et la jeta dans l’Escaut. Il est figé en pleine action dans la fontaine érigée en son honneur devant l’hôtel de ville d’Anvers, Antwerpen, hand werpen, c'est-à-dire « jeter la main » en néerlandais.

mercredi 14 septembre 2011

dEUS

Ce vendredi 16 septembre 2011 se produira un événement musical attendu avec autant d’impatience au nord et au sud du pays, tant par les médias que par le public : la sortie de Keep you close, le nouvel album de dEUS. En 2008, les places de la « tournée des clubs » de Vantage Point passant par Hasselt (Muziekodroom), Liège (Droixhe), Leuven, (Het Depot), Charleroi (l’Eden), Bruges (Cactus Club) et Bruxelles (l’AB) s’étaient vendues en quelques heures seulement. Cela fait déjà vingt ans que la formation menée par Tom Barman a vu le jour à Anvers. Entre-temps, dEUS a joué les matriochkas : en 1995, Rudy Trouvé part pour Dead Man Ray et Kiss My Jazz ; l’année suivante, c’est Stef Kamil Carlens qui quitte le groupe pour se consacrer à Moondog Jr, rebaptisé plus tard Zita Swoon ; en 1998, Danny Mommens - arrivé en remplacement de SKC - décide de se dédier entièrement à Vive la Fête en compagnie de sa blondissime compagne Els Pinoo. De la formation initiale, il reste en fait l’inépuisable Tom Barman qui, parmi ses multiples projets, a également apporté sa pierre à l’histoire du cinéma belge (Any Way the Wind Blows), et Klaes Janzoons, le seul homme capable de faire bondir les foules avec deux notes de violon. dEUS, pour toute une génération, a été la preuve vivante que le rock belge pouvait non seulement exister, mais aussi s’exporter avec succès dans le monde entier. De nombreux groupes nés au cours des années 90 et 2000 dans les caves et garages de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles lui sont à jamais redevables. 


Le Bonus flamand
Luc Devos, le chanteur de Gorki
En 1992, dEUS  parvenait à se hisser parmi les finalistes du Humo’s Rock Rally. Ce concours musical organisé comme son nom l’indique par le magazine Humo (l'équivalent flamand de Moustique) existe depuis 1978 et a servi de tremplin à pas mal de beau monde : Evil Superstars, mené par Mauro Pawlowski (aujourd’hui membre de dEUS), Novastar, Das Pop, Goose, The Van Jets, The Blackbox Revelation… et Gorki, incontournable en Flandre mais dont les chansons en néerlandais n’ont jamais passé la frontière linguistique. 

samedi 10 septembre 2011

Plop & Co

En 1999, Meli Park, parc d’attractions situé près de La Panne et créé à l’origine par un apiculteur, fermait ses portes pour faire place quelques mois plus tard à Plopsaland De Panne. Les abeilles qui constituaient l’emblème de Meli avaient disparu. Les petits visiteurs francophones de passage à la côte belge se retrouvaient confrontés à des personnages mystérieux nommés Kabouter Plop, Kabouter Lui, Kabouter Klus… bien connus des petits Flamands. Ces nains rigolos au nez proéminent sévissaient en effet depuis 1997 dans une série télévisée diffusée sur la chaîne flamande vtm. C’est seulement dix ans plus tard que les enfants du sud du pays ont découvert le Lutin Plop dans sa version française, quand Studio 100, compagnie flamande fondée en 1996 et aujourd’hui qualifiée par certains de « Disney belge », a conclu un accord avec RTL-TVI. En plus du Lutin Plop, c’est toute l’écurie de Studio 100 qui a alors débarqué dans les salons des bambins francophones : Fred & Samson, adaptation en français de Samson & Gert (la première production de Studio 100), Bumba le clown, Mega Mindy, Pat le Pirate, les deux souris Wizzy & Woppy…Plus ou moins à la même époque, Télécoo, parc d’attractions situé près de Stavelot, était métamorphosé en Plopsa Coo. En 2008, l’empire de plus en plus tentaculaire de Studio 100 a racheté la société allemande EM.Entertainment à qui appartenait le célèbre dessin animé Maya l’abeille. Durant l’été 2011, Plopsaland De Panne a inauguré un nouvel espace intérieur de 5000 m2 : Mayaland. La boucle est bouclée : les abeilles sont de retour à La Panne…

Le site officiel de Studio 100

Le Bonus flamand
Les filles de K3 font même du cinéma
Dans l'écurie de Studio 100, il y a aussi K3, un trio féminin qui chante en néerlandais. Adulé par les petites Flamandes, mais totalement inconnu côté francophone. K3, ce sont en fait les 3 initiales des chanteuses de la formation d'origine : Kathleen (blonde), Kristel (brune) et Karen (rousse). En 2009, Kathleen a quitté le groupe. Ce départ a donné lieu à une émission de télé-réalité : K2 zoekt K3 (K2 cherche K3), dont voici quelques images (toutes les blondes sont les prétendantes au titre). La candidate retenue pour prendre la succession s'appelle Josje.

vendredi 9 septembre 2011

Maurice Maeterlinck

Maurice Maeterlinck est l’un des rares Belges à avoir été récompensé par un Prix Nobel, et le seul de toute l’histoire du pays à avoir décroché celui de littérature. Si un jour il fallait diviser le patrimoine culturel belge entre Flamands et francophones, où classerait-on ce brave Maurice ? Car il est né à Gand, en 1862, au sein d’une espèce aujourd’hui quasiment disparue : une famille bourgeoise flamande ET francophone. Il fut en effet une époque où, dans les couches les plus aisées de la population belge, comme en Russie ou au Portugal, il était de bon ton de parler français, considéré tout au long du XVIIIe siècle comme la langue véhiculaire de l’Europe. On parlait le français hier comme on parle l’anglais aujourd’hui et le petit peuple du royaume, lui, se cantonnait au quotidien à une multitude de dialectes locaux, flamand, wallon, picard, limbourgeois, etc.
Toute l’œuvre de Maeterlinck, du recueil de poèmes Serres chaudes (1889) aux Bulles bleues (1948), où il évoque ses souvenirs d’enfance, en passant par l’essai La vie des abeilles et l’opéra Ariane et Barbe-Bleue, a donc été écrite en français. Peut-être inspiré par son second prénom Polydore, Maerterlinck laisse à travers son œuvre un fameux listing de prénoms biscornus : Maleine, Arkël, Yniold, Pelléas, Mélisande (dans une pièce qui a inspiré des compositeurs aussi importants que Debussy, Fauré, Sibelius et Schönberg), Tyltyl, Mytyl, Bérylune, Aglavaine, Sélysette, Méléandre, Alladine, Palomides, Ablamore, et j’en passe. 


Le Bonus flamand

Il y a un autre écrivain flamand - d'expression néerlandaise cette fois - qui, selon les bruits de couloir, était en bonne position dans les années 70 pour décrocher le Nobel de littérature : Louis Paul Boon (1912-1979). Contrairement à Maeterlinck, Boon était issu de la classe ouvrière et toute son œuvre a été influencée par le socialisme. L'un de ses romans les plus connus, Mijn kleine oorlog (Ma petite guerre), qui traite de la Seconde Guerre mondiale, a été édité en français au Castor Astral.


mercredi 7 septembre 2011

L’espéranto belge : kot

Voilà un des rares mots compréhensible tel quel dans tout le pays. Au départ, kot en néerlandais, c’est  un taudis, un chenil ou carrément une porcherie. En Belgique, et en Belgique seulement, le terme en vient à désigner les chambres d’étudiants. Ça donne tout de suite une idée du caractère spacieux et soigné de ces pièces aménagées pour accueillir des students dont la ville d’origine est trop éloignée de l’université qu’ils fréquentent. A une époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, l’Université Catholique de Louvain était installée à Leuven, chef-lieu du Brabant flamand. C’était le cas depuis 1835, soit un an après la fondation de l’université. En 1968, dans un contexte tendu de conflits linguistiques, les étudiants francophones qui  nichaient en territoire flamand sont définitivement priés d’aller voir ailleurs (le fameux « Wallen buiten »), mais ils emportent dans leurs valises le mot « kot ». Et le terme refleurira à Louvain-la-Neuve, ville qui surgit de terre en Brabant wallon et où les premiers étudiants arrivèrent en 1972. Dans le jargon des étudiants, kot donne naissance à kotter (avoir un kot), co-kotter (kotter ensemble) et co-kotteurs  et co-kotteuses (étudiants dont les chambres se trouvent dans le même immeuble et qui partagent des « communs » : cuisine, salle de bain et/ou un petit salon convivial). Ces dérivés font beaucoup rire nos voisins français, qui, quand ils les entendent pour la première fois, aiment les répéter en produisant de joyeux bruits de basse-cour. 

Le Bonus flamand
Erik Van Looy, sur le plateau de DSMTW
« Ad fundum » est l'équivalent flamand de l'à-font des étudiants francophones. Une preuve de plus que les Flamands sont férus de latin, n'est-ce pas Bart ? Ad Fundum, c'est aussi le titre d'un film de 1993 dont l'intrigue se déroule dans le milieu estudiantin de Louvain, en particulier dans l'ambiance débridée des baptêmes. C'était le premier film d'Erik Van Looy, qui a aussi à son actif les thrillers De zaak Alzheimer et Loft.  Erik Van Looy est aussi connu en Flandre comme présentateur à la VRT. Il présente notamment le quiz De Slimste Mens ter Wereld, un jeu que Bart a failli gagner.

Quelques images d'Ad Fundum, pour se faire une idée...

mardi 6 septembre 2011

Axelle Red

Vous avez déjà remarqué que, quand elle chante en français, Céline Dion perd cet accent québécois à couper au couteau qui fait le bonheur des imitateurs de toute la francophonie ? Eh bien Axelle Red, c’est pareil. Sauf qu’Axelle Red, née Fabienne Demal à Hasselt en 1968, elle fait encore plus fort : même quand elle PARLE en français, elle n’a pas d’accent. Contrairement par exemple à Arno, qu’on pourrait considérer comme son équivalent masculin. Non, vraiment, quand je reprenais en chœur avec mes copines de la cour de récré « Wo ho ho ho, je remonte Kennedy Boulevard », et même plus tard, en la voyant interpréter l’hymne officiel de la coupe du monde au Stade de France avec Youssou N’Dour et Manhattan-Kaboul avec Renaud, jamais je n’aurais pensé qu’Axelle Red était flamande. Et pourtant. S’il n’y avait pas eu ce W si typiquement de chez nous dans « Sensuwalité », j’aurais presque pu croire qu’elle était française.
Il n’y en a quand même pas beaucoup qui peuvent se vanter à la fois d’avoir un père conseiller communal pour l’Open-VLD et de s’être fait décerner le titre de Chevalier dans l’Ordre de l’Art et des Lettres par le ministre français de la culture. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ses chansons, il faut le reconnaître : Axelle Red, elle réussit tous les exploits, c’est une Wonder Woman. Elle est parvenue à combiner sa vie de maman, de chanteuse et de femme engagée et – défi presque impossible à relever – à devenir une star dans toute la Belgique. Chapeau Fabienne !



Le vrai Showbizz Bart
Le Bonus flamand
 
Axelle Red est une telle star en Flandre qu'elle a même droit à des parodies. La voici dans une pseudo-interview avec un pseudo-Showbizz Bart (de son vrai nom Bart Verbeek), présentateur spécialisé dans les people flamands. Même ceux qui ne maîtrisent pas le néerlandais comprendront qu'on tourne ici en dérision l'engagement de la chanteuse, ambassadrice de l'UNICEF.